
Je n’ai jamais été capable de soutenir une conversation en amharique, tout juste de me débrouiller sur un marché, d’indiquer une direction à un chauffeur de taxi ou de briser la glace dans un bureau. Trois ans après avoir quitté l’Éthiopie, il m’a fallu peu de temps pour m’amuser à revisiter la langue, d’abord avec le douanier, puis le chauffeur de taxi et le serveur du café de Kazenchis où je me suis installé. Pas de quoi se pâmer, mais qu’il est surprenant de constater à quel point ce pays ne m’a pas quitté.

Addis a changé, pas complètement. La ville a revêtu des habits de béton, inharmonieux, tournant le dos à ceux qui l’habitent. Les bâtisseurs se livrent à un regrettable concours en élevant des tours au-delà du raisonnable (et du nécessaire ?). Au ras du bitume, le vent nouveau ne souffle pas le même air, du moins en apparence. Les mêmes échoppes, les mêmes petits cafés sombres continuent d’offrir un refuge aux moins bien lotis. Le quartier Kazenchis n’est plus que remblais et chantiers, il ne demeure presque plus rien de ces ruelles qui m’ont inspiré le roman. Plus haut, Piazza se tient un peu à l’écart, mais les pelleteuses ne sont pas loin.
La circulation est plus dense, mais derrière les nouvelles avenues asphaltées par des ingénieurs chinois, on continue de porter des sacs de charbons sur la tête, de réparer son antique Toyota Corolla, de faire sécher le piment au sol. Douce sensation de déjà-vu. Dans les cafés et les taxis, le ton est plus libre, les regards moins tendus qu’auparavant. L’Ethiopie évolue et c’est tant mieux, à son rythme et dans le désordre.
Je suis allé à Addis pour présenter mon roman « Kazenchis se tait le dimanche ». En arrivant, ma valise était quasiment vide, à l’exception d’un vingtaine d’exemplaires du bouquin. En repartant, elle était pleine de shiro, de dabo kholo et de kholo. Pour retrouver le goût d’autrefois.
Ciao Ethiopia, again.